
Il y a des jours, des moments, où l'on voudrait tout déballer, tout sortir, pas son linge sale, oh non, mais sa merde, la sienne propre, si je puis dire.
Enfant, je ne cessais de me dire : quand tu seras grand (grand, à l'époque, c'était 20 ans), tu seras un génie ou tu te tueras.
Le problème, c'est qu'à bientôt 32, je ne suis pas un génie et pas encore mort.
De toute façon, tout ça ne veut rien dire.
On essaie de faire des bons mots, pour s'astiquer, un peu. Ou bien pour je ne sais quoi. C'est compliqué. Mais dire ça, c'est encore essayer de faire un bon mot.
C'est écoeurant, à force, quoi.
Mais on épure. Enfin, j'épure. Vous avez compris.
Je ne crains plus de trouver Le Château de ma mère d'Yves Robert très beau. Et je vous emmerde, en plus, les artistes de mes deux qui ricanerez.
En fait, j'aimerais être vieux, mais ne pas crever après. Enfin, pas irrémédiablement.
Vieux, pour pouvoir envoyer valser les jeunes cons que je n'ai jamais pu blairer, même quand j'étais moi-même un jeune con. J'ai toujours beaucoup aimé ce que dit Deleuze de la vieillesse, je souscris a priori, je pourrais signer tout de suite.
Mais là encore, c'est que des mots à la con. Je bave, j'éructe, je dégueule.
Parce que quand je vois ma sale gueule de gros lard partout où elle daigne se refléter, je traque la ride. Ça arrive, ça arrive. Les chairs ne sont plus tout à fait aussi fermes qu'autrefois (quand j'étais un jeune con, pour faire vite). On se voit vieillir, mais on ne se le sent pas. Tu parles, Charles, n'importe quoi. Bien sûr que je me sens vieillir. Le problème, c'est que je me sens vieillir depuis toujours. C'est étrange : le jour de mes 18 ans, j'ai comme signé à mon insu un pacte avec moi-même : memento mori. Tous les matins au réveil, une de mes premières pensées est de me dire que je vais peut-être mourir aujourd'hui. Le terrible, c'est que le soir, bien vivant, je ne suis pas émerveillé de l'être. Pas déçu non plus, faut pas charrier, mais quand même, ce désabusement, c'est regrettable. Si l'émerveillement n'est pas le corollaire de la lucidité, à quoi sert cette dernière ? Hein, je vous le demande ?
Il noircit le tableau. Voilà ce que j'entends, déjà. Il noircit, le Beuchy.
Qu'en sais-je, après tout ?
Tout ça est inutile, c'est bien pour ça que je vous en fais part.
Mais encore une fois, c'est que des mots, tout ça, du baratin, putain de putain, faudrait fermer sa gueule de temps en temps, même quand on ne l'ouvre pas.
Tiens, je souris.
Il se regarde, le Beuche, il s'écoute.
Vous voyez, vous aussi, vous l'ouvrez.
On peut pas s'en empêcher.
On est trop heureux, tiens, diront certains. Une bonne guerre, ça refoutrait tout ça en place. On n'aurait plus le temps de ratiociner et de se branler. Plus de temps pour soi, même plus l'éventualité. Plus de mélancolie. Les idées fixes des bons petits réacs enfin concrétisées. Tout politique ! Chez les soviets, chez les nazis ! Hop hop hop. Y a des priorités mon gars. La hiérarchie, y en a qui la connaissent. Ils pullulent, sur la blogo. Celles des autres sont méprisables, on en fait oeuvre, de les mépriser. On a le sens des valeurs, nous, sur la blogo.
Enfin, on s'éloigne, là. De quoi, on ne sait pas, mais on s'éloigne. Moi, je veux dire. Enfin, vous aurez compris.
En fait, on aimerait bien être une sorte de tyran. Où chaque mot qui perturbe notre pensée (l'hindouïsme en parle fort bien, de ça, allez en lire un peu en pensant à moi) se grefferait immédiatement dans votre cerveau, et vous ne pourriez rien y faire. Littéralement, vous souffririez pour nous. Vous vivriez la Passion selon Saint Beuche. Nous serions en vous, vous seriez à nous.
Enfin, à moi, vous aurez compris...
6 commentaires:
Moi j'dis rien, j'écoute. Enfin j'lis. (Tu me fais rire même quand tu es ronchon, Beuche. C'est ça, le talent.)
Ronchon, ronchon...
Bon. Mettons un chouïa de mauvais poil. Un soupçon.
Un léger accès de célinisme ?
Je n'en ai pas l'impression.
Traquer la ride à 32 ans me paraît un chouïa précoce, quand même. (Laisse tomber, tu reprendras cette activité après 45 piges.)
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