Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







vendredi 10 septembre 2010

En marchant, en écumant



Lorsque j'étais enfant et n'avais pas encore toutes mes dents, ma mère et moi faisions notre promenade rituelle du dimanche après-midi au Jardin des Plantes.
Je donnais à manger des miettes de pain rance aux canards blasés du bassin, je mangeais un beignet à l'abricot et je faisais du vélo, n'en possédant pas mais le louant une heure dans l'enceinte du Jardin. Nous déambulions consciencieusement le long des allées prévues à cet effet et avions tout le loisir d'admirer les belles pelouses qui offraient alors au regard du promeneur un repos de l'humanité bien savoureux : du vert, des oiseaux, et pas l'once d'une chair humaine.
Aujourd'hui, on ne trouve plus de vélo à louer au Jardin des Plantes, mais de la viande débraillée à profusion sur les pelouses - l'oeil est altéré, le repos consumé. C'est dehors, dans les rues, sur les places, les boulevards et les trottoirs, que l'on trouve des vélos à louer : les Vélib', où les cadres cravatés et affairés, les étudiants branchés, les adolescents clochardisés, les employés sympas et les chômeurs pressés, du matin au soir et du soir au matin, glissent à sens interdit dans ce que deviennent nos villes : des parcs géants pour enfants attardés.
Les canards sont toujours aussi blasés, les beignets à l'abricot sont aussi rances que le pain, et je déteste le vélo. Le vélo, et l'arrogance de ceux qui montent dessus, enhardis par la bonne conscience que leur donne l'esprit vert du temps, celui qui les fait saccager les pelouses en étalant leur couenne et leurs sucs dessus, hilares de pouvoir affirmer que, eux, Monsieur, ne polluent pas.
Et nous irons chercher la beauté ailleurs, toujours plus loin, et nous irons prier le repos de plus en plus fort, et nous étoufferons sous la bonne conscience, pris d'aucun remords, torturés par aucune honte, et nous verrons s'envoler nos premières béatitudes sous les papiers d'emballage que ne pourront plus contenir nos illusions.

11 commentaires:

Sophie K. a dit…

'Tin de cyclistes, ouaip. Hier, j'en ai encore vu deux d'entre eux brûler deux feux, l'air supérieur. L'un d'entre eux a bien failli terminer sous un bus (là, "la couenne et le suc" auraient été étalés sur le bitume, et l'air supérieur aurait disparu tout net).
D'accord aussi avec les "parcs géants pour enfants attardés"...
(Tu veux que je te dise ? On n'est pas rendus.)

Appas a dit…

Murayen.

Appas a dit…

Attention, un seul 'm" à "consumé". [Post destiné à ne pas être mis en ligne]

Appas a dit…

Je suis ému à chaque fois que je lis ton début : "Lorsque j'étais enfant et n'avais pas encore toutes mes dents, ma mère et moi faisions notre promenade rituelle du dimanche après-midi au Jardin des Plantes."

Pascal Labeuche a dit…

Que tu sois ému m'émeut. Vraiment.

Zoë Lucider a dit…

Z'aimez pas le vélo ? préférez les bagnoles ? Moi c'est contraire. Je foutrais toute cette féraille à la casse et tout le monde à vélo. On s'arrêtrait pour se causer un peu et les feux rouges ne seraient plus nécessaire. Pour la viand esur les pelouses, je vous suis en revanche, beurk!

Pascal Labeuche a dit…

Je préfère les pieds, Zoé.

Pascal Labeuche a dit…

« les feux rouges ne seraient plus nécessaire »
C'est bien là ce que je reproche aux cyclistes. Les automobilistes et les piétons se doivent de respecter les feux (ce qui est tout de même le moyen de circuler sans offenser l'autre), alors que les cyclistes s'en battent les couilles et les ovaires, tout obèses de bonne conscience qu'ils sont, à tel point qu'ils peuvent se permettre d'être au-dessus des lois.

Chr. Borhen a dit…

Bonjour Beuche.

Je lis le titre de la présente note (mais pas que) et j'apprends que vous préférez les pieds : aimez-vous Gracq ?

Pascal Labeuche a dit…

Non, malgré le clin d'oeil.

Marcoroz a dit…

Pas trop d'affinités avec la pédale, donc... :-)