Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







samedi 25 septembre 2010

Au-delà du fascisme


On pourra toujours se dire que ce n'est qu'une émission télévisée, on pourra toujours tout minimiser, on pourra toujours changer de chaîne ou éteindre la télévision, on pourra toujours dire que c'est pour de faux, on pourra toujours dire ce qu'on veut - ce qu'on ne pourra jamais, en revanche, ce qu'on ne pourra plus jamais, c'est croire en notre progrès, nous autres Européens.
Quand on voit Secret Story, parce qu'il faut le voir pour le croire, voir cette ignominie vue par des milions de Français (mais on peut penser que c'est partout pareil) pour croire que pareille ignominie peut être diffusée et regardée, et en toute bonne conscience, là encore, quand on voit Secret Story, donc, on est terrassé par l'évidence : nous avons fini d'être européens, nous avons fini d'être des hommes, nous avons peut-être fini, même, d'être vivants.
Secret Story, c'est la mort de l'Homme, comme ça, l'air de rien, au milieu des meubles Ikea, des nichons siliconés, des couleurs criardes, de la jeunesse obligatoire, de la techno incessante et de l'espionnage généralisé comme socle commun et principe de cohabitation. Il n'est plus question de dépasser, comme le XXème siècle a eu la barbarie de l'envisager, ni Dieu ni l'Homme, mais d'en finir avec lui, une bonne fois pour toutes.
Secret Story, ou l'avènement du sous-homme par l'exaspération de tout ce qui peut singulariser l'humain jusqu'à extinction prochaine. Un homosexuel n'est plus un homme attiré sexuellement par les hommes, c'est une tapette, une tarlouze, et encore, ce terme est bien trop faible pour le définir : c'est une follasse, une hystérique, dont le moindre geste est là pour rappeler qu'il souhaite se faire défoncer le cul. Une femme n'en est plus une, c'est une putain, une bimbo, une grognasse, mais là encore les termes sont trop faibles pour pouvoir appréhender cette post-humanité. Quant aux hommes hétéros, ils n'existent tout simplement plus, fades, ternes, transparents, on ne sait plus quoi en faire, d'eux.
Ah si, une chose : les faire engrosser les salopes hystériques.
Car désormais, tout, absolument tout, doit se dérouler, de la naissance à la mort, et être relaté en direct : il était question, hier soir, d'une proposition d'apporter dans "la maison des secrets" un test de grossesse. Oui oui, derniers humains qui me lisez, un test de grossesse. Un abruti et une poufiasse (on taira leurs noms par respect pour leurs familles, s'il leur en reste) se rencontrent dans Secret Story, baisent, enfantent peut-être, la pouffe se demande si elle n'est pas enceinte, et le brave Castaldi (qui doit être reconnu à sa juste valeur par la France entière pour ce qu'il est : l'assassin de la décence nationale, lui qui fut le pionnier en la matière avec Loft Story), en direct bien sûr, lui propose un test de grossesse, avant d'entamer la tirade habituelle sur les vertus du port du préservatif. Pendant ce temps, une tarle demande à une taffe : « Pourquoi tu m'as offert cette bille ? » Et l'autre de lui répondre : « Pour te l'enfoncer dans le cul. » Et le premier de renchérir : « Oh, c'est mignon !... » Peu de temps après, pour célébrer ces doutes de maternité, on leur envoie un poupon dans un landau qui pleure : notre couple doit alors lui donner le biberon. Il doit s'entraîner. Là, vous comprenez, on ne sait plus quoi dire. Dire que les bras nous en tombent, c'est, encore une fois, bien en-dessous de que la sous-humanité triomphante nous exhibe.
Alors oui, Castaldi, t'as raison : encourage le port de la capote, vas-y, que ces gens-là, que tous ces gens-là, ceux qui font tes émissions et ceux qui te regardent, ne se reproduisent surtout pas. Et allie-toi donc à Attali, dans cette pulsion de mort qui vous remplit, vous et tous vos copains, les poches de fric, et vous vide les couilles de foutre tant ça vous fait jouir, dans ce noble idéal d'euthanasie qui fait frétiller de la queue tous nos apôtres progressistes chantres des libertés en tous genres.
Lorsque les candidats de tous les Secret Story de la Terre, auront forniqué, copulé, enfanté, vellé, et agonisé, leurs téléspectateurs, ivres de mort, éteindront la télé et iront s'éteindre, tranquillement, dans une orgie chaste et silencieuse, au crépuscule de leurs idoles.

11 commentaires:

Raphaël Juldé a dit…

Vous êtes sûr que ce n'est pas un test destiné à voir si les êtres humains (ou ce qui en tient lieu ici) sont capables de se reproduire en captivité ?

Pascal Labeuche a dit…

Je n'osais le dire, Raphaël...

La Gerbille des Ciments a dit…

Cette émission n'est qu'un produit télévisuel, c'est-à-dire : conçu par des gens de la télé, porteuse de leurs moeurs à eux et de leur expérience de l'humain (enfermé dans des lieux artificiels sous les yeux d'une caméra, toujours en lutte pour une forme de reconnaissance personnelle...) et destiné à eux seuls.
La télé parle à la télé, en somme. Les télévisuels se regardent le nombril.
Vous pouvez donc éteindre votre poste : ce qui s'y passe ne concerne à peu près personne.

Pascal Labeuche a dit…

J'aimerais rejoindre votre optimisme, Nelly Jane...

La Gerbille des Ciments a dit…

Mais je n'ai rien dit d'optimiste !

Pascal Labeuche a dit…

Bien sûr que si.

Sophie K. a dit…

Ah, Beuche, j'adore ce post, et son titre, cet "Au-delà du fascisme" si juste, parce que c'est exactement de ça qu'il s'agit : le monde selon la télé des marchands, soit des abrutis regardant d'autres abrutis dans une simili vie, avec décors de lupanar et figurants trépanés. Quelle horreur. Bientôt, probablement, ils se buteront les uns les autres, le sexe bas de gamme et les trois mots et demi de leur vocabulaire ne suffisant plus.
L'Enfer de Dante en rose fuschia et doré sur tranche, et la Bête les avale tous.

Pascal Labeuche a dit…

Merci Sophie.

Appas a dit…

On flatte la libido du spectateur pour capter son attention. On flatte sa tendance aux voyeurisme, au sadisme (voir l'émission Master Chef). Ce sont les même pulsions qui poussent les gens à s'agglutiner autour d'un accident grave de la circulation. Le but est la transformation de cette attention captée en revenus financiers. Un petit mémo de Chomsky à relire.

Carine a dit…

Cette émission est à vomir, en effet.
J'admire votre analyse. Merci.

Pascal Labeuche a dit…

Merci à vous Madame Carine.