Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







mercredi 19 septembre 2012

"Beuche tu fais gaffe à la récrée"




Cela dit, ne vous exagérez pas son mauvais effet, Monsieur. Vous en jugez en habitué des grands partis traditionnels et d’après des personnes qui le sont aussi. Le parti de l’In-nocence n’a jamais prétendu être cela. Souffrez que nous soyons autre chose. (Renaud Camus à un intervenant du PI)


Le parti de l'In-nocence n'a jamais prétendu être cela.
Tu m'étonnes ...

En 2009, découvrant ce "parti", je ne pus m'empêcher de faire part à Renaud Camus de mon scepticisme quant à la véritable nature de celui-ci en demandant sur le forum de la SLRC s'il était un véritable parti. Camus répondit alors par un de ces jeux sur les registres de langage dont il est coutumier et qui me fit penser que ma question n'était pas dénuée de sens.
La lecture de l'oeuvre de Camus et des communiqués du PI confirma en moi cette impression : le PI n'est absolument pas un parti politique, quelles que puissent être les velléités de son président. Mais une partie de son oeuvre qui ne lui survivra qu'en tant qu'oeuvre - et c'est ainsi qu'il le veut.

Didier Bourjon a raison et, partant, il a tort.
Il lit Camus, il partage pleinement ses opinions politiques, il voit le mot "parti", puis celui de "politique", il se dit, tiens, je vais m'engager dans ce parti puisque j'y crois. Et puisque j'y crois, je vais faire de la politique, moi, "qui sent la merde mais pas trop" comme dirait l'autre, foutre les mains dedans, mordre, attaquer, agir, manoeuvrer. Sauf qu'il a tort : faire de la politique écoeure Renaud Camus.

Le PI aura été pour Renaud Camus le terrain d'expérimentation du communiqué politique, comme les backrooms l'auront été de ses tricks, et la vie au quotidien celui de son journal.
Un écrivain fait de la politique par rigueur syntaxique, disait-il il y a quelques jours à un de ses interviewers.
C'est cela, le parti de l'In-nocence, pour son fondateur et président : un exercice de style. Mais un exercice de style, pour un écrivain aussi exigeant que lui, n'est pas une anecdote, un loisir, un passe-temps, non : c'est un motif de toute une vie, une épreuve obligatoire, une condition sine qua non du métier d'écrire cette enquête sur ce qu'est vivre aujourd'hui.

Et vivre aujourd'hui, pour Renaud Camus, c'est se faire quitter. Se faire quitter par ses éditeurs, quelques-uns de ses amis, ses affidés du PI ...
Renaud Camus est arrivé à une impasse : le PI loin de le servir littérairement désormais l'assèche. Partir ? Non. Se faire quitter.
D'aucuns trouveront le psychodrame se jouant ces dernières heures sur le forum du PI lamentable. Il y a de cela, mais je suis pour ma part très ému par Renaud Camus.
Un point, un seul point, le point originel, avec lequel on ne transige pas : la courtoisie - l'in-nocence, dans les rapports avec les autres intervenants. Tu y déroges ? je te réprimande. Tu protestes ? Je menace de démissionner, je mets un extrait de mon journal du jour, sans moi le PI n'est plus rien (ce qui est on ne put plus vrai, et pour cause), tu es un névrotique, en toute in-nocence hein, et vous tous, vous tous, là, qui ne m'avez pas soutenu, vous êtes tels les apôtres sur le mont des oliviers, je vous demande de veiller avant que je me fasse tuer mais vous dormez, je me battrai seul, seul, seul, avec mes pauvres armes.

Christique Renaud Camus qui, tel son Christ de Théatre ce Soir, n'est pas à sa place dans cette maison, et se cogne partout.

Je n'ai aucun avis sur le fond de cette affaire, ignore parfaitement si l'incriminé Bourjon est si fautif que cela, et je ne sais que trop à quel point Camus peut être injuste et même cruel envers ceux qui l'ont aimé.
Mais cette souffrance qu'est la sienne, souffrance de celui qui se sait (peut-être sans se le dire) au pied du mur, souffrance de celui qui se retrouve seul là où il a tout créé, m'émeut grandement.
Gageons que c'est la souffrance de celui qui va connaître la rédemption - en l'occurence que son oeuvre trouve un second souffle, après les très médiocres volumes 2009 et 2010 du journal.


8 commentaires:

Emmanuel F. a dit…

Je partage largement votre belle analyse, Pascal ! Il y a derrière cette crise un fondamental malentendu, et l'un des démissionnaires nantais l'a – peut-être malgré lui – bien exprimé lorsqu'il a laissé éclater son désarroi ou son dépit en écrivant : «La vie n'est pas un "Journal"» En fait, ces militants sincères pensaient être dans un vrai parti politique, alors qu'ils étaient en fait partie prenante, à leur insu, d'un grand projet littéraire. Et bien sûr, quand leur tombent dessus ces pages de "Journal" où ils ne veulent pas se reconnaître derrière ces personnages qui pourtant portent leurs noms, la chute est dure, et la potion amère...

Pascal Labeuche a dit…

Il n'y a pas qu'eux ...

Emmanuel F. a dit…

En effet ! Finalement, entre l'écrivain (et plus particulièrement le diariste) et son fidèle lecteur, rien ne vaut l'"amor de lonh"...

R. M. a dit…

Comme votre analyse est pertinente! Cela dit, je pense que RC vous trouve sympathique ; la comparaison avec le chien ne me semble pas infamante, mais plutôt empreinte d'une certaine tendresse, oui.

R. M. a dit…

Et autre chose : il est évident que RC a le DON de créer de la nocence autour de lui ; c'est son côté hautain qui fait ça : on dirait que la plupart des gens ont PEUR de lui, de lui déplaire. Du coup ils deviennent différents, mielleux ou hautains, affectant les manières de leur maîîître jusqu'à la caricature (genre le coup du "cher Monsieur" interdit, ridicule !! et genre "je n'écoute que du Boulez". Tu parles !) bref ils changent, et secrètement RC les méprise.

Pascal Labeuche a dit…

Puis-je avoir autre chose que vos initiales, R.M. ?

Georges de La Fuly a dit…

Juste pour savoir, Beuche : avez-vous reçu mon mail ?

Pascal Labeuche a dit…

Cela fait une éternité que je n'ai pas ouvert ma boîte mail Yahoo Georges. Je regarde ça ce soir ou demain matin (je n'y ai pas accès ici).