Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







vendredi 1 juin 2012

Un matin



Ce matin un pigeon s'est précipité sur mon visage ; refusant que son bec me transperce je l'ai tué de mon poing. Aussitôt qu'il fut sur le bitume il avait parfaitement l'air d'être un pigeon mort comme tous les pigeons morts qui peuplent nos sols. Je l'ai ramassé, le pigeon.
Petit pigeon mort, pourquoi t'es-tu précipité ainsi sur moi, moi qui ne t'avais pourtant jamais rien fait, moi qui ne te voulais aucun mal, moi qui marchais tranquillement les poings fermés dans cette ville en entendant des enfants hurler autour de moi, pourquoi, petit pigeon, pourquoi, mort, mort comme tous les pigeons morts auxquels tu ressemblerais tant si le regard empreint de tendresse que j'ai pour toi ne te distinguait pas de la meute de cadavres que tu vas bientôt rejoindre, petit pigeon mort de merde, qu'as-tu voulu faire en me menaçant ainsi, moi qui marchais seul tranquillement ce matin au milieu des enfants qui hurlent et que j'entendais et que je ne voyais pas, petit pigeon mort tu ne saignes pas et vois, mes lèvres s'abaissent sur toi en un dernier hommage et tu n'entends pas, petit pigeon mort, pendant que je t'embrasse en une ultime communion, les enfants autour de nous qui hurlent, tu ne saignes pas, ton bec est froid, je ne sais même plus si c'est toi, petit pigeon mort, ou un de ces pigeons morts qui ressemblent tous aux autres pigeons morts qui finissent par te ressembler, et les cris des enfants se joignent à ton indifférence dans mon poing fermé, petit pigeon mort, poing fermé un matin dans une ville au milieu d'enfants hurlant et ton sang coule le long de mon bras et ma chair entre dans ta chair, mes ongles raclent tes petits os, ton bec n'est plus rien, l'épiphanie hurlante nous berce du souvenir de ton ascension vers mon visage et ma mort par toi souhaitée je la tiens dans mon poing serein fermé.
Que s'envolent tes plumes, que dans la mort se taisent les enfants, que résiste mon âme.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

T'es un grand grand malade. Ce texte est superbe...

Pascal Labeuche a dit…

Merci beaucoup monsieur l'anonyme dont il ne m'étonnerait pas qu'il soit, au vu de mon "statcounter", Le Turk ...

Anonyme a dit…

Ben moi j'suis fredi. Statcounter te le confirmera.
Que tu sois malade je sais pas.
Mais ton âme se porte bien, elle.
Et c'est l'essentiel.

fredi maque a dit…

Et je ne parle pas, est-il utile de le préciser, de l'âme de votre opinel.

Carine a dit…

"refusant que son bec me transperce je l'ai tué de mon poing. "
je trouve ça d'une cruauté sans nom.

Pascal Labeuche a dit…

Ça l'est.