Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







jeudi 20 janvier 2011

Coming-out à deux voix

Mon cher Ouelbikitch,

C'est horrible.
Je suis un conservateur incurable.
Il faut bien le reconnaître, maintenant que je l'ai constaté.
Je peux comprendre les nostalgiques de Franco, Staline, Hitler, Pol-Pot, Pinochet , Mussolini, et même ceux de Mitterrand - mais à une condition : qu'ils aient eu vingt ans lorsque l'objet de leur amour était au pouvoir. Tout change trop vite, alors on s'accroche à ce qu'on peut. Ah ! tu vois, le temps me rend philosophe. C'est que je préfère n'importe quel regret à toutes les améliorations du monde : avec le regret, on peut toujours s'arranger. Alors qu'avec le progrès, il faut tout quitter, tout reprendre, tout réadapter.
Je suis fatigué, Fedor, fatigué. N'importe quelle dictature, n'importe quel régime, n'importe quoi, même la révolution, je veux bien m'y faire, à la révolution que me promettent tous les progressistes et réactionnaires de la Terre, mais que ce soit permanent, que diable ! Je veux bien me faire à tout, composer avec n'importe quoi, mais que l'on me laisse le temps de m'y adapter, et que l'on ne m'en ôte plus les plaisirs ni les souffrances, les espoirs ni les déceptions, et que l'on ne les comble surtout pas, mes espoirs, ni ceux de quiconque, car un espoir comblé est un espoir tué, et j'aspire à l'éternité, moi ! Je veux bien me taire, ne plus rien demander, faire semblant d'attendre ou même me cacher, j'irai jusqu'à retourner ma veste que je porte nu même lorsque je m'apercevrai qu'elle est doublée de vermine.
Mais qu'on me laisse mon présent. Qu'on me laisse croire à l'existence de mes espoirs, qu'on ne m'ôte pas l'illusion du réel et la réalité de mes illusions. Qu'on cesse de me foutre la lumière dans la gueule tout en me crevant les tympans pour ne pas que j'oublie, au cas où je deviendrais aveugle, qu'on me fout de la lumière dans la gueule.

Je t'embrasse, mon Fedor

PS : J'espère que ta canette masturbatoire te réjouit toujours autant.


Lettre de Dominic Fabrovitch à Fedor Ouelbikitch, in Correspondance complète et même plus de Tugan Ciolineski, p. 546 789





Mon pauvre Dominic,

Tu es décidément incurable, oui, et à tous points de vue.
Tu viens de perdre le tiers de ton poids en quelques semaines d'un régime draconien, et tu viens me parler de conservatisme ?! Commence donc par conserver ton propre corps, espèce d'escroc !
Avant de délirer le monde, incarne toi-même tes jolis préceptes, au lieu de te vautrer dans l'abstraction, quand bien même elle te serait séduisante.
Et sache que, la bite bien au chaud dans ma canette, je t'emmerde !


Réponse de Fedor Ouelbikitch à Dominic Fabrovitch, Op. Cit., p. 546790

1 commentaire:

Sophie K. a dit…

Rhâ. Fédor avait décidément un caractère de sanglier sauvage.