Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







jeudi 29 juillet 2010

Quelques instants avec Beuche, un soir d'été

Oh, mon pays, oh Toulouse ! comme le chantait le grand Claude.
Hier soir, on aurait presque pu entendre les mouettes, à sept heures, rue B., entre les sandwicheries et boucheries et épiceries et restaurants halal et les hordes de clochards défoncés.
Un homme quelque peu âgé se tenait contre un mur, le regard perdu et le futal aux chevilles. Il glissa verticalement jusqu'à la marche et s'assit. Un liquide marron s'écoula lentement en-dessous de ses cuisses. Il tenta alors de coordonner les mouvements de ses bras avec ceux de ses jambes afin, j'imagine, d'ôter définitivement son pantalon et le produit de ses intestins s'étant perdu dedans.
L'opération étant laborieuse et mon train partant dans cinq minutes, je passai mon chemin.

Le train. Ah, le train. Les joies du rail, noble conquête humaine. Un wagon sans fenêtres ouvrables dont la climatisation est en panne pour 200 personnes. Dans ces conditions, même les jolies jeunes femmes, d'habitude seuls éléments salvateurs des situations désespérées, ne peuvent pallier, par le charmant tableau qu'elles nous offrent au su de leur plein gré, aux insuffisances du souffle vital de la SNCF.
Là où la SNCF passe, Éros trépasse.
C'était une symphonie d'odeurs, un feu d'artifice d'écoulements en tous genres, un pot-au-feu de macérations dont l'accablement le disputait à la résignation. Les sueurs se mélangaient sur les peaux, les effluves de menstrues séchées, de foutre collé, de cul mal lavé et de sexe négligé dansaient tout autour de nous, des chiens mouillés s'imposaient à nos nez sans qu'il y en eût le moindre, des vélos écolos et citoyens prenant la place de quatre personnes se cognaient contre nos jambes, et chacun de tenter de conserver ce qui distingue l'homme civilisé du sauvage en évitant soigneusement de regarder ses compagnons d'infortune.
Lorsqu'une institution décide d'annihiler toute dignité chez ses usagers, on se demande bien ce qui va pouvoir permettre à nos concitoyens de ne pas sombrer dans la barbarie.

Ce matin, en me dirigeant vers ce que notre grand Claude qualifiait de fleur de corail que le soleil arrose, traversant la rue B dans l'autre sens, je vis, alangui sur une marche, un jeune homme branché à son Ipod.
Une mosaïque marron et verdâtre le soutenait.

8 commentaires:

Georges de La Fuly a dit…

Les jolies jeunes femmes pallient les insuffisances du souffle vital (sic) (…), Pascal. Pas "aux".

Pascal Labeuche a dit…

« Dans ce sens, on rencontre couramment la construction pallier à, par analogie avec obvier à, parer à, remédier à ; le tour, critiqué par les puristes, est utilisé par des écrivains consacrés : « tout ce que l'homme a inventé pour essayer de pallier aux conséquences de ses fautes » (A. Gide, Isabelle, p.98) ; « on pallie généralement au manque de matériel par des hommes » (A. Camus, la Peste, p.169) [in Grevisse, le Bon Usage, Rem. 15] »

Le Robert, Dictionnaire de la langue française, volume 7

Georges de La Fuly a dit…

Beuche, écrivain consacré…

Pascal Labeuche a dit…

Georges, puriste déclaré.

Marcoroz a dit…

Beuuuurk !

Quand on pense que certains subissent ce calvaire chaque jour de la semaine !

Puisqu'on parle de purisme linguistique: plutôt que "Lorsqu'une institution décide d'annihiler toute dignité à ses usagers", ne serait-il pas plus correct d'écrire "chez ses usagers" ?

Belle description, quoi qu'il en soit !

Pascal Labeuche a dit…

Vous avez raison : j'étais parti pour écrire "ôter à", et je me suis trompé.
Il me faudrait me relire, parfois...

Pour ce qui est du calvaire, ce n'est pas tous les jours ainsi, Dieu merci.

Sophie K. a dit…

Le bus, c'est tout pareil, et personne ne pallie à/sur/sous/de/envers/etc. rien non plus (avant, 'y avait au moins des fenêtres)...
Ceci dit, rien de pire qu'un déodorant bon marché, tout bien considéré...

Sophie K. a dit…

(Réussite de ma connexion, enfin, ce qui se fête. Bonsoir, Beuche.)