Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







mardi 26 février 2013

Abécédaire

"Ce soir j'ai retrouvé dans mes placards un vieux Clairlouis en cubi datant de deux mois. Le goût n'est pas désagréable, un goût de fer, j'ai l'impression de boire du sang, et un peu de chair depuis huit jours que je n'en ai pas touchée me fait du bien, c'est un peu comme boire une femme qui a ses règles, mais pas à la source, c'est bien dommage mais je m'en accomode je m'en accomode.
Je me demande si tout cela a bien existé.
Mon passé est-il vrai ? Ai-je embrassé D sur un banc par exemple ? Gémissait-elle ? Je n'en jurerais pas. Ai-je aimé A ? Oui, quand elle m'a regardé dans ce bar avant que je ne l'embrasse, oui, je l'ai aimée. Mais existe-t-elle ? Je n'en ai aucune preuve. Ah, il me suffirait de retourner devant le machin où elle travaille, évidemment. Mais j'aurais l'air d'un mort, et si elle est en vie ça risque de la choquer. Et ces quais où j'ai caressé plus que de raison V, que diraient-ils s'ils me voyaient l'oeil hagard marchant sur eux à la recherche de cette trace d'oubli ?
Par ma faute ou la leur, ou bien les deux, elles sont loin désormais. Comme me l'a suggéré une, je devrais faire tout l'alphabet. C'est une idée, mais j'ai un train d'avance sur les A.
J'aurais dû m'en tenir à la première lettre, mais quand l'alphabet vous quitte vous vous réfugiez sous les nombres, et le zéro absolu vous guette, alors, et vous retournez aux lettres pour l'écrire."

Ciolineski, in L'apprentissage de l'alphabet n'est pas réservé aux petits enfants, p.1

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