Ilumina oculos menos, nequando obdormiam in morte : nequando dicat inimicus meus : Praevalui adversus enum.







samedi 30 octobre 2010

Sur l'autel de la modernité



On pensait que certains rôles étaient immuables. On se disait que la nature avait oeuvré pour l'éternité, et que l'espèce humaine avait, aurait, jusqu'à n'être plus, suivi.
On savait bien que les différences culturelles, civilisationnelles, rendaient les choses disparates, mais enfin, on n'en doutait pas : Un père est un père.

On est pourtant bien obligé de se rendre à l'évidence : il existe des nouveaux pères. A vrai dire, il ne tend à exister plus que cela.
Oh, des nouveaux pères, il y en a toujours eu, me direz-vous avec ce pragmatisme lumineux qui vous caractérise. Eh bien non, bande de couillons. Des pères nouveaux, oui. Mais des nouveaux pères, non. C'est un peu comme la Nouvelle Vague sans majuscules, si vous voulez. Des vagues nouvelles, ça, ça ne manque pas. Mais des nouvelles vagues, c'est déjà plus rare. Quant à la nouvelle vague, je vous laisse imaginer.
C'est justement ce qui distingue la Nouvelle Vague des nouveaux pères : si la première est unique dans l'océan, les seconds forment l'océan de merde qui nous submerge à grands flots de sourire à visage du rien.

L'enfant n'a pas changé, lui. C'est son papounet qui s'est transformé, et sans OGM en plus.
Ça change les rapports, quand même, vous me direz. Eh bien oui. Oui, vous avez raison, je ne vous contredirai pas là-dessus, vous voyez bien que ce n'est pas un a-priori chez moi que de vous donner tort, car nous pouvons, si vous le voulez bien, faire un bout de chemin ensemble, doigt contre doigt.
L'enfant n'a plus, pour se rassurer (car la vie est inquiétante, ça ne vous aura tout de même pas échappé), à se faire aimer de son père. Car le nouveau père est un ancien nourrisson qui n'a affectivement pas évolué. Lui aussi, il veut se faire aimer pour se rassurer. L'occasion faisant le larron, v'là-t-y pas qu'il investit sa progéniture. Oui oui, il l'investit. Vous trouvez ça obscène ? Ça l'est.
Car c'est le nouveau père qui va prendre les devants, vous voyez : il va devoir se faire aimer par son enfant. Il n'a toujours pas compris, ce grand dadais ingénument criminel, que cet amour lui était de toute façon acquis. C'est comme ça ! Au moins au début. Mais enfin là on parle de début, n'est-ce pas. On ne sait pas comment ça va finir, on n'est pas devins, à Blog à Crédit, non plus.
Bon.

Mais mettez-vous deux secondes dans la tête de ce nourrisson attardé qu'est le nouveau père.
Que feriez-vous pour vous faire aimer de votre petit n'enfant ?
Vous ne le gronderiez jamais. Jamais. On n'engueule pas celui dont on veut se faire aimer, comme on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Avec de la merde, oui, mais pas avec du vinaigre.
Vous lui mettriez une beigne encore moins souvent. D'ailleurs, vous appelleriez de toute votre âme une loi châtiant les châtiments. Dans un monde où le père est un enfant, l'enfant est la loi.
Vous ne lui donneriez aucun interdit, et votre principale source d'angoisse serait les frontières, toutes les frontières. Vous auriez une aversion absolue pour toute forme de nationalisme et même de patriotisme. Vous exigeriez que le pays dans lequel vous vivez ne fasse aucune distinction entre autochtones et étrangers, allant jusqu'à renier ce terme d'étranger. Dans un monde où ici est ailleurs, il n'y a plus d'ailleurs, comme il n'y a plus d'autres.
Vous ne lui parleriez que d'amour. Vous haïriez la haine. A tel point que la haine vous obsèderait. Vous la traqueriez partout, de peur qu'elle ne vous submerge. Du coup, vous la verriez partout. Et vous mèneriez une inquisition contre tout ce qui vous paraitra, à vous, ce que vous adorez appeler racisme tout en affirmant que les races n'existent pas. Dans un monde où seul ce que certains appellent amour est pris en compte, la haine est un mets recherché.
Bien sûr, vous l'habilleriez comme vous. Ou plutôt, vous vous habilleriez comme lui. Surtout pas de signe extérieur d'âge adulte. Vous vous adresseriez à lui comme vous imaginez qu'il pourrait s'adresser à vous, s'il était aussi pitoyable que vous. Dans un monde où l'on ne pense qu'à être soi-même, l'autre ne peut être autre que soi.

Voilà.
Vous êtes un nouveau père.
Vous marchez à quatre pattes dans ce wagon de train, chaussures dégueulasses le long desquelles coule un jean troué, les cheveux gras, avec Bobonne clocharde à l'autre bout qui gueule dans son portable que c'est vachement chiant de pas pouvoir s'rouler un joint quand on veut tu vois, vous ne cessez de jeter des coups d'oeil à vos voisins d'infortune pour vérifier qu'ils sont tout transis d'admiration pour votre morveux, et vous n'allez nulle part.
Nulle part.

4 commentaires:

Ånastase Petitpas a dit…

Ah, nous étions dans le même train ?
Ouf ! Je ne suis pas un nouveau père, selon cette description.
Peut-être bien que, plus tard, mes enfants me remercieront(?).

Appas a dit…

Ceci ne me concerne pas. Je suis le père éternel.

Pascal Labeuche a dit…

Père éternel sans majuscule ? Acte vainement déicide.

Les trains sont plus éternels que les pères.

Marcoroz a dit…

C'est très bien observé.

Je suis assez nouveau comme père, mais je ne serai pas un "nouveau père". Dieu m'en garde !